Les pouvoirs publics proposent des mesures pour simplifier l’urbanisme qui restent hélas bien trop limitées. Entre lourdeurs administratives, délais interminables et manque de flexibilité, c’est le moment de faire des coupes claires dans la paperasse. Maintenant ou jamais. Par Sylvain Bogeat, Président du think tank Métropoles 50.
Croissance démographique, décohabitation, logements vétustes : on estime qu’il faut 300 000 nouveaux logements chaque année. Pour autant, en zone tendue, le nombre de permis de construire délivrés a baissé de 30% par rapport aux années pré-Covid. Le poids des démarches administratives et la lenteur des autorisations retardent ou font péricliter de trop nombreux projets.
Derrière ces chiffres, la réalité est simple : obtenir un permis de construire « relève davantage du parcours du combattant » ainsi que l’écrivait la Cour des comptes en 2024. Même ceux qui ont encore les moyens de le faire n’arrivent pas à réaliser leurs projets. Je vois actuellement des projets de logements sociaux, en Île-de-France, mettre 5 ans à être autorisés !
Il faut couper à la hache dans les freins à l’acte de construire, qu’ils viennent de la lourdeur des autorisations d’urbanisme ou des recours des riverains.
Car, avoir un permis de construire est, hélas, devenu le fait du prince dans notre pays. Le principe fondateur était pourtant très simple: une règle est votée par la ville, le plan local d’urbanisme, et les administrations étaient censées vérifier la conformité des projets de construction à la règle. Une idée qui a été complètement dévoyée : au lieu d’effectuer un contrôle de conformité, les services administratifs se sont pris pour des architectes en chef et ont commencé à effectuer un contrôle d’opportunité, agrémenté de négociations, chartes et autres prescriptions extra-légales.
Cela pose un triple problème.
Un manque total de légitimité : l’administration s’est progressivement octroyée des prérogatives qui ne lui ont pas été confiées par les citoyens, et s’est mise en tête de raboter les immeubles, d’imposer des styles architecturaux, de décider des prix, etc.
Un coût délirant pour le contribuable : on mobilise (et surcharge en procédures parfois inutiles) les services de l’urbanisme intercommunaux, ceux de la ville en question, les élus locaux, les élus intercommunaux, la préfecture, les représentants des ZAC, les ABF, le SDIS, les DRAC … qui communiquent de surcroit très mal entre eux !
Des projets perpétuellement en retard: aménagement, consultation, concours d’architectes, pré-permis de construire, permis de construire, transmission aux pompiers, concessionnaires, purges des recours… Les projets prennent un temps infini, rallongé par des demandes de pièces complémentaires, bien souvent non réglementaires. Et en attendant, les Français perdent patience !
Il est temps de remettre de l’ordre.
Face à ce constat, les pouvoirs publics ont commencé à s’activer. Le Sénat a adopté mercredi 19 mars une proposition de loi relative aux missions des architectes des bâtiments de France (ABF), déposée par le sénateur Pierre-Jean Verzelen. Le Député d’Eure-et-Loir Harold Huwart souhaite déposer une proposition de loi sur le sujet. La ministre du Logement Valérie Létard affirmait elle-même le 11 mars 2025 qu’il « faut maintenant aussi activer le levier réglementaire, pour en finir avec les lourdeurs procédurales et libérer l’innovation ». Les différentes initiatives visent, certes, à fluidifier les procédures d’urbanisme et à réduire leurs délais, mais elles restent beaucoup trop timides face à l’ampleur du problème.
Pourquoi ne pas passer au permis de construire déclaratif ? La règle est connue de tous, c’est le plan local d’urbanisme. Nous sommes dans un pays où (et on pourrait en débattre) il est obligatoire de faire appel à une profession réglementée, l’architecte, pour déposer un permis de construire. La logique voudrait qu’on fasse confiance à ce professionnel pour avoir dessiné quelque chose de compatible avec la norme ! Les pharmaciens ont-ils un délai d’instruction pour contredire le diagnostic du médecin ?! Les autres patients ont-ils un délai de recours pour remettre en question le traitement ?! Les permis de construire déposés devraient être réputés conformes, avec un délai de quelques semaines durant lesquelles les pouvoirs publics auraient un droit de regard. Cela permettrait de fluidifier les démarches sans pour autant déréguler l’urbanisme. En parallèle, l’accélération de la numérisation des documents d’urbanisme et des processus d’instruction sera un levier essentiel pour faciliter les procédures, et permettre aux citoyens de s’approprier la morphologie de leurs territoires.
Deuxième mesure indispensable : relever le seuil à partir duquel des autorisations d’urbanisme sont nécessaires. Il faut encourager les projets de densification douce portés à travers des acteurs comme Atlas Lodges. C’est absurde de bloquer des Français dans des procédures administratives complexes alors qu’ils veulent juste construire une pièce en plus de 20m2 dans leur jardin! Profitons-en pour désengorger les services d’urbanisme!
De la même manière, il faut couper les possibilités de recours à la racine. Nos tribunaux reçoivent 10 000 recours par an (en hausse de 10% depuis 2020) ! Le moindre recours devrait faire l’objet d’une consignation financière proportionnelle à l’ampleur des enjeux. Aujourd’hui, un riverain mal luné peut bloquer un projet et mettre des dizaines d’ouvriers au chômage sans en assumer la moindre conséquence ! C’est scandaleux pour les travailleurs qui se retrouvent sur le carreau, les entrepreneurs qu’ils mettent en péril, sans parler des tribunaux qu’ils engorgent! On met 18 mois à prendre position sur un recours,18 mois pendant lesquels on perd du temps, de l’argent, des logements.
Basta ! Il est temps de donner aux Français plus de liberté et de couper à la hache dans les procédures d’urbanisme.
© La Tribune
© Sylvain Bogeat